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La conciliation politique-famille

Par 13 septembre 2021 septembre 21st, 2021 Aucun commentaire

On me demande souvent comment ça se passe la conciliation politique-famille. La question est encore revenue sur la table après l’annonce de Vincent Boutin, qui a choisi de se retirer de la course à la mairie pour être le père qu’il souhaite être pour ses trois enfants.

La vérité, c’est que c’est vraiment difficile de concilier les deux. Je n’y arrive que parce que j’ai un conjoint extraordinaire qui prend l’entièreté de la charge mentale quand je suis à Québec, et bien plus que la moitié même quand je suis à Sherbrooke. Aussi parce que mes parents sont disponibles pour nous aider au besoin, et parce que nos enfants sont remarquablement autonomes, en excellente santé et sans difficultés scolaires. Mais même dans ce contexte privilégié, c’est difficile.

Dans les dernières semaines, je me sentais comme s’il me manquait 3h par jour pour arriver. À chaque jour. Je partais du bureau toujours plus tard que prévu. J’ouvrais mon ordinateur en soirée pour m’y remettre, alors que normalement j’évite de faire ça quand je suis à Sherbrooke. Et je me couchais quand même sans avoir fait tout ce que je voulais faire. Pourquoi? Parce que j’ai une famille, et que la charge de travail que je suis habituée de réaliser quand je passe trois jours par semaine seule à Québec est absolument impossible à réaliser quand je suis à Sherbrooke avec trois enfants. Impossible. Chez moi, en famille, je ne peux pas prendre tous mes repas en travaillant comme je le fais à Québec. Je ne peux pas dire à mes enfants de s’en aller quand ils viennent me rejoindre dans mon lit en se levant, parce qu’ils m’interrompent pendant que je lis ma revue de presse ou que je suis en train de rédiger une réaction à un article. Alors je mets plus souvent mon travail sur pause, tout est plus long. Et il m’arrive de me surprendre à me dire que j’ai hâte d’être à Québec pour rattraper ma liste de tâches, alors que je sais parfaitement que ma vie est bien plus saine quand je suis à Sherbrooke, même si j’y suis moins productive.

Les institutions politiques sont encore pour l’instant complètement inadaptées pour quiconque a une personne à charge, et la politique elle-même est un univers où il n’y a pas de limites. Notre travail n’a littéralement jamais de fin, parce que le moment où tout le monde sera satisfait n’existe pas. Juste avec les activités auxquelles je suis invitée, il y en a assez pour faire ça à temps plus que plein, alors je dois en décliner la majorité si je veux avoir le temps de faire avancer des dossiers. Le volet médiatique de mon travail représente à lui seul l’équivalent d’une journée par semaine, réparti par petits bouts par-ci par-là entre deux réunions ou deux courriels, avant le déjeuner ou pendant le souper. À tout ça s’ajoutent plusieurs centaines de courriels par semaine. Et on n’a même pas encore parlé des rencontres avec les citoyens et les différents groupes concernant des dossiers nationaux ou de circonscription, ni du travail en commission parlementaire, ni des activités partisanes.

Les limites, il faut les mettre nous-même, en calculant leur coût politique. On sait que quand on décline une entrevue ça se peut que le média dise qu’on n’a pas souhaité répondre à leurs questions. On sait que les gens sont parfois déçus quand on décline une invitation (et croyez-moi, je suis souvent déçue aussi). On sait que les citoyens s’attendent à nous parler directement quand ils ont besoin d’aide, et que parfois ils pensent qu’on ne les traite pas avec sérieux quand un attaché politique s’occupe de leur dossier, alors que c’est la pratique habituelle, que nos attachés politiques font un travail remarquable et qu’on les choisit pour leur humanité, leur ténacité et leur efficacité.

Je ne suis pas toujours la mère que je voudrais être. Je ne l’étais pas non plus avant de faire de la politique. Je ne suis pas toujours la députée que je voudrais être non plus. Évidemment que je voudrais être partout, tout le temps, que tout le monde soit satisfait. Mais à travers tout ça, je fais des choix pour essayer de maintenir un équilibre.

En fin de semaine, la dernière avant de recommencer les aller-retours à Québec, je ne suis pas allée à l’événement public qui se tenait tout près de chez moi, assez pour que j’entende la musique par la fenêtre. J’aurais pu y rencontrer plein de citoyens, discuter avec les organisateurs des enjeux de l’événementiel en pleine pandémie, remercier les bénévoles, être visible sur le terrain. Mais j’avais promis à ma fille que je lui ferais un chandail avec le tissu qu’elle avait elle-même choisi. Et c’est ça que j’ai fait. Un coton ouaté avec une poche en avant, pour le plus grand bonheur de ma fille. Ça me permet de repartir ce soir vers Québec et mes journées efficaces de 15h en ayant le sentiment de maintenir un certain équilibre.